Vendredi 21  juillet

Abbaye d’Escaladieu : 19H

Jean Philippe Collard : piano

Jean-Philippe Collard appartient à cette catégorie d’artistes qui se déplacent dans l’espace comme ils jouent : les gestes mesurés frôlent les lumières jusqu’à ce qu’il s’assoie devant l’instrument. Le pianiste est venu écouter ceux qui sont venus l’entendre. Ce qu’il propose, c’est un dialogue sans paroles. Juste à travers les yeux et ensuite à travers le son. Une infinité de sons. Cette complicité toute particulière dissimule tout le travail préparatoire qui précède le concert : le besoin d’oublier sa nervosité (que de longues après-midi avant de monter sur scène !), de dominer un corps impatient, de canaliser son courage, la maîtrise de soi du derniers instants avant le saut dans le vide, tout dépend. Il faut, dit-il, « être aspiré par la musique, être assez calme pour retrouver le chemin de la spontanéité, et captiver le public ». L’envie de transmettre et de révéler la beauté de la musique dépasse la nature d’une simple passion : il s’agit d’une nécessité vitale, pour laquelle il faut se résoudre à partager ses propres émotions, sans vouloir conquérir celles des autres en retour. Une offre désormais aux proportions immenses après des centaines de concerts et plus de soixante enregistrements.

« Il faut frapper en plein coeur et ne pas surintellectualiser les oeuvres que l’on fréquente depuis des années », dit-il. Ces oeuvres constituent une fabuleuse moisson, fruits du romantisme, de Chopin et Schumann jusqu’à Rachmaninov, magnifiés encore par deux siècles de musique française.

Tous les univers sonores de Jean-Philippe Collard sont imprégnés de couleur : la « sensation produite sur l’organe de la vue par la lumière diversement réfléchie par les corps », dit le dictionnaire Littré, avec une perception épicurienne inhabituelle dans un tel volume mais intensément familière à un pianiste qui, justement, déclare qu’il a « soif de couleurs ». Mais pas n’importe quelles couleurs. Gourmande de pigments, l’artiste sait ce que la nuance veut dire dans tous les contextes, quand des paysages sonores au tempérament mesuré résonnent dans l’irisation des arpèges et la longue finale des accords. Lorsqu’il évoque son apprentissage chez Pierre Sancan, son amitié avec Vladimir Horowitz et ses rencontres aux quatre coins du monde avec l’élite des chefs d’orchestre et les plus grands orchestres, Jean-Philippe Collard sait qu’il peut tout dire au public. Alors il a rendu hommage aux dieux de la couleur, ses compositeurs.